On en parle comme s’il s’agissait d’un choix entre deux équipes de football. D’un côté les hard skills, ces compétences techniques qu’on chérit dans les fiches de poste. De l’autre, les soft skills, ces petits plus qu’on vante en bas de page, entre deux bullet points creux sur le « sens du relationnel » et la « capacité à travailler en équipe ». En 2025, les deux jouent dans la même équipe, et ceux qui les dissocient risquent de prendre un joli but contre leur camp.
Les compétences techniques ont toujours été prisées. C’est une sorte de phare dans la nuit pour les recruteurs, permettant d’estimer rapidement si oui ou non, le candidat sera capable de mener ses missions à bien. Mais aujourd’hui, ces compétences deviennent rapidement obsolètes.
À peine a-t-on formé quelqu’un à un outil qu’il faut déjà passer à la nouvelle version (qui, bien sûr, change tout sauf le nom). On investit, on certifie, on coche des cases. Mais à quoi bon maîtriser un outil qui ne sera plus utilisé dans six mois ? À quoi bon apprendre un langage de code comme on apprendrait le latin ? Ou une technique qui sera dépassée dans deux ans ?
La durée de vie d’une compétence technique est désormais de deux ans. C’est à dire que même ce qu’apprennent les étudiants en première année sera dépassé lorsqu'ils obtiendront leur diplôme. Moralité ? Si vous formez uniquement sur les compétences recherchées aujourd’hui, vous êtes déjà en retard.
Pendant ce temps-là, les soft skills font doucement leur révolution. Ces compétences humaines, longtemps reléguées à la sphère des « savoir-être » (comprendre : les trucs sympas mais pas décisifs), deviennent désormais le nerf de la guerre.
Pourquoi ? Parce qu’un salarié qui sait gérer le stress, communiquer, coopérer avec une équipe à moitié en télétravail et s’adapter à un changement d’organisation, ça vaut de l’or. Et surtout, ça ne se forme pas en deux clics sur une plateforme e-learning.
Le World Economic Forum le dit noir sur blanc : en 2025, 6 des 10 compétences les plus demandées seront comportementales. Et pourtant, combien d’entreprises continuent à surinvestir dans les « hard » et à négliger les « soft » ? Combien d’évaluations annuelles s’attardent sur les résultats sans même interroger la manière de les obtenir ? La capacité à collaborer avec des humains sera toujours plus difficile à automatiser qu’un rapport Excel.
Dans la vraie vie, il n’y a pas deux camps. Il y a des gens compétents, capables d’apprendre, de s’adapter, de communiquer, d’évoluer. Et pour ça, il faut des hard skills et des soft skills. L’un sans l’autre, c’est comme un vélo sans guidon : ça peut avancer, mais pas longtemps, et sûrement pas dans la bonne direction.
Dans le monde du recrutement plus qu’ailleurs, on remarque à quel point la combinaison des deux fait la différence. Les intérimaires qui cartonnent ne sont pas forcément ceux qui ont cinq lignes de certification sur leur CV. Ce sont ceux qui arrivent à l’heure, travaillent avec rigueur, comprennent vite et savent garder leur calme quand le client change tout à la dernière minute (ce qui arrive souvent).
En clair, cela implique de faire le tri dans les plans de formation (moins de jargon, plus d’impact), de mettre les softs skills au coeur des parcours (et non en bonus), et d’oser cartographier des compétences hybrides, qui résistent au temps, aux outils, et aux modes. Former, ce n’est plus cocher une case. C’est préparer des individus à faire face à ce qu’on ne peut pas encore prévoir.