Les hypothèses sur les conséquences de la crise sanitaire vont bon train, mais tout le monde reste pourtant dans l’inconnu le plus total. Qu’en est-il du monde du recrutement ?
Le premier trimestre de l’année 2020 était plutôt très positif puisque la publication d’offres avait augmenté d’environ 45% en février. Puis la quarantaine a stoppé toute l’activité économique et les offres d’emploi ont drastiquement diminué de 40%, contrastant avec une forte hausse du nombre de demandeurs d’emploi. Mais si l’on voit un peu plus loin que ces chiffres, on se rend rapidement compte que le bilan est plus contrasté qu’il n’y paraît.
Nous sommes actuellement dans une phase de transition due à un déconfinement très prudent. Bien sûr, les entreprises et l’économie de manière globale sont fragilisées, mais beaucoup de facteurs sont à prendre en compte : la taille de l’entreprise, son secteur d’activité, son degré de digitalisation… Par exemple, les start-ups et les grands groupes ne sont pas touchés de la même manière par la crise du coronavirus. Les économistes et les spécialistes de la finance estiment qu’un retour à une activité normale n’est pas à envisager pour le moment. Cependant, la situation devrait doucement se stabiliser dans les prochaines semaines, grâce à une reprise lente des activités. Mais cette hypothèse peut rapidement être balayée par ce que nous craignons tous : une seconde vague de propagation du virus.
L’incertitude concernant le futur des entreprises a poussé ces dernières à non pas annuler leur recrutement, mais à le geler. Nygel, Business Unit Manager chez Bruce, pense qu’en ce sens : « Dans un premier temps, il y aura une baisse sur le court-terme et les contrats seront sûrement plus courts car les entreprises seront plus frileuses, mais de nouvelles opportunités émergeront également. ». En effet, le fait que les entreprises n’aient toujours pas annulé leurs recrutements en cours est un signe encourageant et positif concernant la suite des évènements. Caroline, Directrice des Opérations chez Bruce, remarque que certaines entreprises en profitent même pour recruter les meilleurs profils, « les entreprises de restauration collective profitent de l’arrêt total du domaine de la restauration pour recruter des cuisiniers d’habitude réticents à ce type de restauration. ». Cette crise profite donc à certains, tandis que d’autres en subissent lourdement les conséquences.
Les secteurs les plus touchés sont bien sûr ceux liés aux restrictions du confinement. Ainsi, la restauration voit ses offres baisser de 61% par rapport à la même période de l’année passée. Le gel des déplacements affecte également l’automobile et le naval, avec -52%. La forte limitation de contact avec le monde extérieur provoque également une baisse de 38% des offres dans la formation et l’enseignement, suivi de près par le BTP (-33%).
A contrario, le nombre d’offres d’autres secteurs explose comme dans la santé et le social (+78%) ou encore l’industrie agroalimentaire. Une grande partie du monde entier étant confinée, la consommation d’énergie a également augmenté, provoquant une forte de demande dans ce domaine (+54%). L’industrie high-tech (+30%) et l’informatique (+16%) ont profité de la mise en place du télétravail. La digitalisation des services et des entreprises a en effet été un des enjeux principaux afin de résister à cette crise. Certains spécialistes estiment que cette transformation aurait d’ailleurs pu prendre une ou plusieurs décennies avant de s’opérer, c’est pourtant un avantage considérable, voire vital selon Nygel : « Pour Bruce, la digitalisation était un avantage considérable, cela nous a permis de tirer notre épingle du jeu, et il me semble que si les entreprises ne changent pas rapidement, elles finiront par fermer. ». Cela remet également en question notre rapport au travail de manière générale.
L’équilibre naturel des choses veut que de nouvelles opportunités vont rapidement émerger à la suite de la crise. Les recruteurs favoriseront peut-être la capacité d’un candidat à s’adapter et à réagir face à l’imprévu, plutôt que de se concentrer sur les compétences. Les domaines tels que le tourisme sont actuellement en train de planifier la reprise des voyages, et sont activement à la recherche d’idées innovantes, qui pourraient les aider à proposer leur produit alternativement. Il faudra savoir saisir l’opportunité que les employeurs sont plus ouverts à de nouvelles propositions, en cette période d’entre-deux.
Thomas, Chargé de Recrutement chez Bruce, souligne « L’évolution de la société demande une dynamique d’apprentissage continu. Il ne faut pas forcément se cantonner à un seul poste, on peut apporter ses compétences que l’on définit soi-même par l’expérience. ». Les recruteurs risquent en effet de rechercher des personnes volontaires qui ne craignent pas de sortir de leur zone de confort afin de s’adapter.
Il est vrai que notre rapport personnel à la crise du coronavirus influence grandement notre prévision pour le futur. Nous ne notifions peut-être pas assez souvent les aspects positifs, les mouvements de solidarité, l’entraide et la créativité durant cette période, certes, sombre. Nous ne sommes pas tous impactés par la crise de la même manière, mais elle aura eu l’avantage de nous montrer la valeur de ce que nous avons de plus cher.